Colette Braekman: 5 questions à Kagame

1. Qu'attendez-vous du processus électoral qui se déroule en Républiquedémocratique du Congo ?

Rien de très particulier. Sauf l'espoir que ces élections amènent une stabilité au Congo, c'est là notre premier intérêt. Nous attendons le résultat de la décision des Congolais et ensuite nous serons heureux de voir comment nous pourrons ensemble, avec eux, résoudre les questions communes. Plus important encore, nous verrons comment normaliser, améliorer nos relations, aider la région à progresser.

2. Au regard de l'évolution du Burundi, du Congo, la situation de la région vous incite-t-elle à l'optimisme ?

En observant ce qui se passe, je suis de plus en plus optimiste. Depuis un an, les choses évoluent vraiment dans la bonne direction, vers une meilleure collaboration entre les pays de la région. C'est le sentiment que je retire de tous mes contacts. Nous nous dirigeons vers une stabilité à long terme de toute la région, car de bonnes décisions sont prises Tout ceci m'incite à penser désormais que le pire est derrière nous

3. Une série de livres publiés en France vous mettent personnellement en cause ou révisent les événements de 1994 au Rwanda. Quel est votre sentiment ?

La raison de ce que nous appelez une offensive médiatique est qu'il n'y a jamais eu de relâche dans la volonté de saper le Rwanda, de tenter de miner sa reconstruction, ce qui équivaut aussi à tenter de saboter la paix dans la région. De ce côté, certes, les tactiques changent : un jour, on utilise le Congo, un autre jour, on agit à travers l'insurrection ou le processus démocratique que nous sommes en train de mener. Différents moyens sont ainsi mis en oeuvre pour essayer de nous faire échouer, différents forums sont utilisés. Les tactiques visant à nous créer des problèmes changent régulièrement

Quant à cette dernière offensive, j'y vois un signe de désespoir, l'indication du fait qu'il n'y a plus rien d'autre à tenter. La situation est en train d'évoluer au Congo, au Burundi, et au Rwanda même, les choses vont dans le bon sens, non an celui qu'ils auraient souhaité. C'est pourquoi ils continuent à recycler certains des thèmes du passé, à voir comment ils peuvent essayer de ternir notre image, alors que nous avons mené avec succès un processus de reconstruction de notre pays, que nos relations internationales s'améliorent, y compris sur la scène africaine où le Rwanda est désormais très respecté. Il est certain que toutes ces réalisations ne plaisent pas à ces gens-là Cette dernière offensive est un signe de désespoir, mais elle est aussi moins efficace. Pour toute personne douée d'une certaine intelligence, même moyenne, il est aisé de se rendre compte du degré d'idiotie, de non-sens de tout ce qui est écrit.

Voyez l'ouvrage de ce transfuge, Abdul Ruzibiza : ce qu'il raconte n'a pas de sens - Ndlr : Abdul Ruzibiza, dans un livre paru aux éditions du Panama, assure qu'il a fait partie du commando « Network » qui aurait abattu l'avion du président Habyarimana et, avec un luxe de précisions, il dénonce de nombreux massacres commis par le Fpr. Quand on lui demande comment il a pu avoir accès à ce type d'informations, vu le rang qu'il occupait dan s notre armée, de ce qu'il y faisait, il est incapable de répondre. En fait, il n'avait tout simplement pas accès à ceux qui prenaient les décisions, qui planifiaient les opérations Je crois que quelqu'un a écrit ce texte à sa place et qu'il lui a suffi de le signer Je suis persuadé du fait que tous ces livres sont un contre-feu, une tentative de diversions, mais cela ne peut pas marcher. Voici quelques années déjà, lorsque nous étions confrontés à de nombreux problèmes, ces tentatives de déstabilisation ont échoué. Comment pourraient-elles réussir aujourd'hui ?

4. Comment expliquez-vous cette référence constance à l'attentat contre l'avion du président Habyarimana, présenté comme le déclencheur du génocide ?

C'est toujours la référence. Oui, il y a beaucoup de versions, de suspicions et c'est toujours à cela que l'on revient. Mais ce crash n'était pas la cause du génocide : le génocide au Rwanda a commencé dans les années 60. Il faut le voir dans son sens idéologique, le phénomène était en cours depuis.

5. Mais pourquoi, à propos de cet attentat, le Rwanda demeure-t-il aussi silencieux ? Vous-même, qui êtes régulièrement attaqué, vous en répondez jamais

Vous savez, il faut savoir préserver son énergie pour de meilleures causes. Ce qu'ils disent n'ayant pas de sens, nous préférons laisser les gens juger par eux-mêmes, se faire leur propre opinion. Répondre, polémiquer, soutenir des campagnes, cela prend votre temps et, pour finir, vous ne faites plus rien d'autre et en fait vous vous affaiblissez. C'est mon choix personnel : répondre dans le long terme, remettre les choses en perspective et en rester là. Mais il n'est pas question de réagir chaque fois qu'il se publie un livre, une interview. La vérité des faits finit par parler d'elle-même.

(Source: All Africa.com 8/1/06)