Agronomie: ciel bleu sur la filière café

La filière café était sinistrée par la vieillesse des pieds et l'abandon durant le génocide.
Le gouvernement appuie sa relance en le plaçant sur le marché des grains de qualité.

Le café peut-il, à nouveau, constituer un espoir pour le Rwanda? Baudouin Michel, professeur à la faculté universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux, a été «heureusement surpris» à l'issue d'un voyage dans ce pays d'Afrique centrale, il y a quelques mois. Ce dernier a en effet «largement suivi ce que nous avions recommandé il y a 5 ans», alors que M. Michel était consultant pour l'Union européenne.

Filière sinistrée

La filière café rwandaise était alors sinistrée, explique l'agronome, parce que les prix mondiaux étaient très bas et que les caféiers, déjà très vieux (25 ans), avaient en outre été abandonnés durant plusieurs années à cause du génocide de 1994. «Deux millions de ruraux étaient concernés, soit 400000 planteurs et leurs familles», souligne Baudouin Michel.

«Pourtant, comme il y avait peu d'alternative pour leur fournir un revenu monétaire, nous avons recommandé une stratégie de renouvellement des 60 à 70 millions de pieds de café. Mais un caféier met 3 ans à être productif. Il fallait que les paysans puissent vivre pendant ce temps. Nous avions donc proposé un programme de prime à l'arrachage, ce qui représentait un investissement de 11 millions d'euros».

Le Rwanda a replanté 4 à 6 millions de caféiers par an. Il a bénéficié d'une hausse des cours mondiaux et d'une baisse du taux de change de sa monnaie, qui rendait sa production plus attractive. Enfin, le gouvernement rwandais a reçu de la coopération américaine une aide à l'amélioration de la qualité. «Tout cela a permis que, bien que les nouveaux pieds n'entreront en production qu'en 2006, on note déjà une hausse de la production, qui bénéficie d'un meilleur entretien des plantations; une dynamique s'est en effet créée, qui a suscité un engouement pour les caféiers», ajoute notre interlocuteur.

Goûter le café

Jouissant d'un climat idéal pour le café sur les bords du lac Kivu (sur une bande d'une trentaine de km de large vers Gisenyi, Kibuyé, Cyangugu) et dans le centre (Kigali, Kibungo, Gitarama), le Rwanda n'avait besoin que d'un peu d'aide pour améliorer la qualité de sa production. «Bien soigné, il a un goût unique au monde», assure un importateur américain interrogé par notre confrère «Time».

L'aide a consisté à favoriser la création de coopératives de planteurs dotées de stations de lavage et d'enseigner comment ne choisir à la cueillette que les cerises de café les plus mûres; comment les laver, les dépulper pour dégager les deux grains de chaque cerise, les trier et les sécher. Un importateur américain a même appris aux planteurs à goûter le café -boisson peu prisée sur les mille collines- afin de détecter eux-mêmes les fautes dans le traitement, qui entraînent une baisse de qualité.

«Le projet américain a permis au café rwandais d'obtenir de bien meilleurs prix qu'auparavant: on est passé de 1100-1300 dollars la tonne à 2400-2500 dollars la tonne aujourd'hui», apprécie Baudouin Michel. Une vingtaine de stations de lavage sont en contruction. Si en 2002 le Rwanda ne produisait pas de café lavé, il en a produit 300T en 2003, 700T en 2004 et sans doute 2000T cette année.

Volonté politique

«Bien sûr, cela reste fragile», tempère l'agronome: «en agriculture, les évolutions sont toujours très lentes. Mais il y a une volonté politique de favoriser les investissements ruraux. Le gouvernement voudrait arriver à 107 stations de lavage et encourage les associations de planteurs. Chaque région a un agronome d'Etat - et pas des apparatchiks: des gens qui font 1h30 de moto dans la boue et qui savent de quoi ils parlent!»

(Source: La Libre Belgique -21/10/05-)
NB: ceci confirme un rapport de mission de ma société (début 2005) qui montrait -entre autres- la légitimité technique des objectifs de la caféière rwandaise, en rappelant que le produit se situe désormais dans les sommets de la qualité mondiale en matière d'arabica; Michel Baudouin, que je connais bien, est l'un des experts les plus compétents en matière que caféiculture. (Source: Moi!!)