L’abbé Munyeshyaka, réfugié en France et qui a été mis en examen en 1996 pour complicité de génocide, revient sur le devant de la scène. La justice rwandaise a demandé son extradition. Tandis que l’écrivain rwandais Benjamin Sehene publie la confession romancé de Stanislas, double littéraire du fameux abbé rwandais.
L’abbé Wenceslas Munyeshyaka qui pour certains représentent à lui seul l’impunité dont peuvent jouir de présumés coupables rwandais (ou présumés innocents selon les sensibilités) de génocide sur le sol français revient sur le devant de la scène.
Sur la scène judiciaire, d’abord. En décembre 2005, les autorités rwandaises ont en effet émis un mandat d'arrêt international à l'encontre de l'abbé Wenceslas Munyeshyaka.
Ce mandat d'arrêt a, dès réception, été transmis au ministère français la Justice. L'auditeur militaire général du Rwanda, le major Christophe Bizimungu, a déclaré à l'AFP que Kigali avait "lancé un mandat d'arrêt international contre lui en décembre (2005) pour qu'il soit extradé". Réfugié en France à la demande et sous la protection de la Conférence épiscopale de France, l’abbé Munyeshyaka figure sur la liste des criminels recherchés par le gouvernement rwandais pour être traduit devant le tribunal international de l’ONU. Selon des témoignages de personnes qui s'étaient réfugiées en avril 1994 dans l'église de la Sainte-Famille, une paroisse de Kigali, l'abbé Munyeshyaka aurait aidé à la sélection de membres de la communauté tutsie à tuer. Il est aussi accusé d'avoir violé des femmes tutsies qui avaient cru trouver refuge auprès de lui.
Un roman
L’abbé « «soi-disant » génocidaire est aussi présent sur la scène littéraire. Benjamin Sehene, écrivain rwandais qui n’en est pas à son premier essai, publie un témoignage romancé, à la première personne du singulier, d’un abbé rwandais, exilé en France, accusé de génocide, Le Feu sous la soutane. Ce prêtre, qui ressemble à s’y méprendre à Munyeshyaka, se remémore du fin fond de sa geôle française la saint Barthélémy rwandaise de 1994, et le terrible engrenage qui l’a amené à y participer. De simple prêtre aimé de tous, Stanislas, aussi surnommé « le jeune » pour son entrain et son goût de la communication, sombre peu à peu dans le Mal absolu. En charge de quelques centaines de tutsi réfugiés dans son église dès le début du génocide, à Kigali, Stanislas, de père hutu et de mère tutsi, est tiraillé par sa condition de prêtre et sa faiblesse humaine, par son humanisme et son militantisme pro-hutu. Après avoir vainement résisté contre lui-même, Stanislas, vaincu par sa faiblesse, commet son premier viol, assassine un réfugié, livre des tutsi aux interamwe, ment à sa propre mère. Loin de tout manichéisme, refusant de porter la robe de procureur, Benjamin Sehene se contente de décrire les affres psychologiques d’un homme, prêtre de surcroît, qui sombre irrémédiablement dans la déchéance morale. Ce premier roman, qui évoque à certains égards Bernanos, pose la question de la justice divine et de la justice des hommes. Impossible de connaître le sort que réserve le Très Haut à cet abbé égaré par satan. Quant à la justice des hommes, la réponse est pour le moment entre les mains du ministère français de la Justice…
(Grandslacs.info 29/01/06)