6 avril sur Arte: Rwanda, les collines parlent

jeudi, 6 avril 2006 à 22:30

Rwanda, les collines parlent
(Belgique, 2005, 49mn)
ARTE / RTBF
Réalisateur: Bernard Bellefroid


Trois fragments de procès devant les tribunaux populaires mis en place au Rwanda après le génocide de 1994. Trois tableaux sobres et tragiques pour dire toute la difficulté de la justice et de la réconciliation face à l'ampleur du drame.

Dix ans après le génocide rwandais qui, d'avril à juin 1994, fit quelque 800 000 victimes, majoritairement des Tutsis, mais aussi des Hutus refusant de tuer, Bernard Bellefroid a filmé trois des 12 000 Gacaca, tribunaux populaires mis en place par les autorités pour juger 500 000 suspects encore détenus. Formées de magistrats désignés en partie par la population pour instaurer "la vérité, la justice et la réconciliation", les Gacaca voient défiler les exécutants "ordinaires" du génocide : des massacreurs de voisinage, qui tutoient les rescapés et les appellent par leurs prénoms parce qu'ils les connaissent depuis toujours. Voici d'abord un homme encore jeune, Obéde, plutôt faraud dans sa chemise rose de prisonnier, qui plaide coupable et demande pardon comme une formalité. Accusé par des rescapés de certains assassinats qu'il refuse de reconnaître, devant un tribunal expéditif où siègent plusieurs de ses parents, il est remis en liberté avec une peine de travaux d'intérêt général. Devant une autre Gacaca, le vieux Gahutu, lui, nie en bloc, affirmant même qu'aucun Tutsi n'est mort dans sa commune. Il est condamné à trente ans de prison, après avoir repoussé toutes les tentatives menées par le juge pour ébranler son mutisme. Troisième et dernier tableau : les juges tentent de convaincre une veuve de pardonner à son beau-frère, qui a tué sous la menace des massacreurs son propre frère ; il sera remis en liberté lui aussi.

Dépouillement éloquent

D'une densité et d'une sobriété extrêmes, ce film produit par Jean-Pierre Dardenne plonge immédiatement le spectateur dans la réalité du génocide et le confronte aux limites - ou à l'impossibilité ? - de la justice. Il expose des situations inverses, d'une juridiction qui méprise ostensiblement les rescapés à une autre où la sévérité est maximale à l'encontre de l'assassin. à travers chacun des tableaux, maintenu dans une distance aussi respectueuse qu'éloquente, c'est toute l'ampleur de la tragédie qui s'impose avec force, mais aussi un travail de libération de la parole, étape nécessaire vers la réconciliation.

"Rwanda, les collines parlent" et « Rwanda. A travers nous l’humanité", deux films sur le génocide des Tutsi du Rwanda en 1994 seront projetés ce vendredi à Rens (France), a établi l’Agence Rwandaise d’Informaiton(ARI).

Réalisé par Bernard Bellefroid, "Rwanda, les collines parlent" tisse le portrait d’une société en guerre contre l’idéologie toujours présente du génocide. Onze ans après le génocide, le film accompagne survivants et bourreaux avant et après les premiers procès populaires Gacaca où ils se retrouvent face à face.

Rwanda: stratégies d'accusés devant les tribunaux populaires
Marie-France Cros


Le contrit, l'hypocrite et l'entêté montrent 3 faces de la justice. ( en Belgique: La deux, dim., 21h..... en France ce sera le 6/4 à 22h30 sur Arte)

Première oeuvre après des études cinématographiques à l'Insas de Bruxelles, le film de Bernard Bellefroid que nous présente la deux dimanche soir est incontestablement très réussi.«Rwanda, les collines parlent» montre, à travers trois cas, comment la justice est rendue sur les collines par les «gacacas», tribunaux populaires semi-traditionnels chargés de juger les accusés de participation au génocide, à l'exception des organisateurs du crime contre l'humanité. Ce moyen non-orthodoxe de rendre justice a été accepté par la communauté internationale, qui contribue à son financement, parce que la justice classique aurait mis plus d'un siècle à juger les détenus.

Des juges élus

Bernard Bellefroid a filmé les premiers procès, entamés par une partie seulement (environ 10pc) des «gacacas» en 2005, les autres en étant encore, à l'époque, à la phase d'instruction des dossiers. Les juges, élus par la population locale, ont reçu une formation de base; ils ont écouté des détenus pour génocide confesser leurs crimes (leur peine est, dans ce cas, réduite, sauf s'ils ne se confessent que partiellement) et les témoins venus les contredire, les charger ou les approuver. Chaque nom de complice cité est noté, en vue d'un procès ultérieur.

Le documentaire suit trois procès. Celui d'Isidore Gahutu, psycho-rigide, qui refuse de reconnaître qu'il a assassiné («c'est vous qui m'apprenez qu'il y a eu des problèmes ici»), qui continue d'appeler les Tutsis des «serpents» et qui récuse ses juges, «des ennemis» (il y a apparemment des Tutsis parmi eux). Gahutu, dénoncé par d'autres tueurs, passe pour celui qui désignait les victimes sur sa colline. En raison de «ses mensonges», il est condamné à 30 ans de prison.

Celui d'Obede Bayavuge, accusé de huit meurtres mais qui n'en reconnaît qu'un. Le souriant accusé est condamné à 13 ans de travaux pour la communauté pour ce qui excède la préventive. Il est libre. Il compte deux soeurs, une cousine et un cousin parmi les juges...

Celui de François Karangari qui, blessé («mais il respirait encore», dira un de ses bourreaux) a tué son propre frère pour avoir la vie sauve, forcé au fratricide par les extrémistes hutus de sa colline qui les avaient débusqués de leur cachette. La honte de Karangari, qui a passé 4 ans en prison, est palpable, mais sa belle-soeur, la veuve, refuse de lui pardonner: Verdict: 7 ans, dont 3 de travaux d'intérêt général.

Manoeuvrer la «gacaca»

La caméra de Bernard Bellefroid, qui a apprivoisé ses personnages en sept semaines de tournage, est si légère qu'elle se fait parfois oublier - comme quand Obede, libre, donne des conseils à ses amis détenus sur les manières de manoeuvrer la «gacaca». Le travail de deux traducteurs différents, dont l'un assermenté en Belgique, garantissent la véracité du sous-titrage des dialogues.

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Retour sur un génocide
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C'est l'un des génocides les plus sanglants du XX è siècle. Un génocide qui fit un million de morts, mais qui n'intéressa pas vraiment l'Occident. Arte propose ce soir un documentaire qui revient sur les conséquences de cette guerre civile qui déchira tout un peuple.

Le temps des procès [/INTER] Onze ans après les massacres, Rwanda, les collines parlent a suivi des survivants et des bourreaux devant les premiers tribunaux populaires (gacaca) qui tentent une réconciliation nationale. A travers trois portraits, le documentaire dresse un état des lieux du pays toujours en proie à la haine.

On retrouve Obede, accusé d'avoir tué des enfants et dont la demande de pardon apparaît plus comme un moyen cynique de retrouver la liberté. Gahutu, lui, n'éprouve aucun remords. Il continue de traiter de "serpents" ceux qu'il a exterminés. Et enfin, François, qui a été obligé de tuer son frère pour survivre. Il tente aujourd'hui de se réconcilier avec sa belle-soeur.

Sans images de cadavres ni du passé, ce documentaire tente de faire ressortir la complexité de ces procès.

Metro

' Ce soir à 22 h 30 sur Arte