en suspens
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
en suspens

en suspens
 
AccueilAccueil  PortailPortail  RechercherRechercher  Dernières imagesDernières images  S'enregistrerS'enregistrer  Connexion  
-14%
Le deal à ne pas rater :
Apple MacBook Air (2020) 13,3″ Puce Apple M1 – RAM 8Go/SSD 256Go
799 € 930 €
Voir le deal

 

 Génocide de la Mémoire

Aller en bas 
AuteurMessage
ibukafrance
Rang: Administrateur
ibukafrance


Nombre de messages : 3192
Localisation : Administrateur
Date d'inscription : 24/04/2005

Génocide de la Mémoire Empty
MessageSujet: Génocide de la Mémoire   Génocide de la Mémoire Icon_minitimeJeu 22 Déc - 15:08

Éditorial: LE GÉNOCIDE DE LA MÉMOIRE
(Fraternite-Matin 21/12/2005)

Le répertoire des génocides pourrait un jour s’alourdir du génocide de la mémoire. Crime extrême contre l’humanité dont on parle pourtant très peu. Ou presque jamais. Le génocide de la mémoire accompagne les grandes boucheries de l’histoire et les monstrueuses formes de barbarie qui s’abattent régulièrement sur les peuples nations. Il voue les victimes à l’oubli, et oblige les survivants à l’amnésie collective. A l’effacement du souvenir. Il éteint la fragile lumière de la chandelle qui éclaire les consciences, les tient en éveil et les sauve de l’assoupissement définitif.
Technique éprouvée au cours des longs siècles de la marche du monde, le génocide de la mémoire est pratiqué avec un art consommé par certains pays dits avancés, qui sont parfois, hélas ! de grands criminels. La falsification de l’histoire à travers quelques formules bien senties, conçues dans des laboratoires de la communication de haut vol, qui mettent bourreaux et victimes dos à dos, victimisent les bourreaux et chargent les victimes des crimes de leurs bourreaux, fait partie de la panoplie. Mais elle ne suffit pas. Elle ne suffit plus. S’y ajoute désormais la déferlante, bruyante et arrogante, des révisionnistes et négationnistes. En leur sein, quelques célébrités auréolées de la reconnaissance nationale et internationale qui donne à leurs propos valeur de vérité absolue. Ce sont les nouveaux prédicateurs dont l’évangile assure impunité et prospérité à des exterminateurs de renom, génocidaires reconnus et autres assassins de notoriété publique, qu’ils soient détenteurs du pouvoir d’Etat, opposants ou seigneurs de la guerre.
Cas typique : le Rwanda. Le dernier génocide du XXè siècle fait l’objet de débats à n’en pas finir dont un des ultimes buts visés est visiblement de porter toute la charge sur les Rwandais eux-mêmes : les populations du pays des mille collines seront ainsi les premiers auteurs d’un… auto-génocide. C’est une thèse qui fait son chemin. Mais elle ne date pas d’aujourd’hui. Pendant que se répercutait encore au sommet des collines et dans les vallées rwandaises l’écho des cris des populations exterminées, se mettait déjà et au même moment en place le système qui doit l’étouffer. Hommes politiques et médias vont massivement intervenir. Les premiers, pour disqualifier, entre autres, les témoignages des survivants et les seconds pour servir de relais amplificateurs des mensonges révisionnistes et négationnistes.
A propos de révisionnisme, voilà ce que dit Yves Ternon, historien spécialiste du génocide arménien, dans Golias Magazine n° 71 de mars – avril 2000 : “ Par un amalgame grossier, le journaliste retourne la vérité et transforme le génocide des Tutsi en génocide des Hutu. Ainsi, procèdent ceux qui inondent les réseaux d’Internet de discours haineux où s’épanche l’antisémitisme qui nourrit la négation de la Shoah.” Mais il n’y a pas que les hommes politiques et les médias : les hommes de Dieu - sans distinction de religion -, l’humanitaire, et même les droits de l’Homme peuvent être mis au service du crime (Jean-paul Gouteux le démontre avec pertinence dans son livre : La nuit rwandaise). Certains intellectuels bouclent la boucle, par leur complicité. S’appuyant sur des théories tenues pour scientifiques, ils recyclent et maquillent des poncifs racialisants. C’est ainsi que d’éminents intellectuels : écrivains, historiens, sociologues, etc., reprennent, depuis plusieurs siècles, certains simplismes ou toute la fantasmagorie raciste. Les uns et l’autre leur servant à étayer quelques élucubrations dont ils parsèment leurs propos et qu’ils assènent comme des axiomes.
Le génocide rwandais n’est pas sans rappeler la crise ivoirienne.
Là-bas, au moins 800 000 Rwandais exterminés sont en train de devenir l’objet de débats enracinés dans la mauvaise foi, et la matière première de quelques spécialistes et experts dont le discours tourne désormais autour de la seule responsabilité des Rwandais. Un dernier livre vient de paraître en France qui rejette l’entière responsabilité du génocide sur le Président Paul Kagamé. Révisionnisme et négationnisme finiront par évacuer la vérité pour instaurer et installer un moment de doute qui précède l’intronisation définitive du mensonge habilement habillé. Un crime peut être parfait, un génocide aussi ! Le risque est ainsi couru, non pas pour les seuls Rwandais mais pour les Africains Noirs, que cette tuerie à grande échelle, qui a décimé un pays du continent, ne soit plus réduite qu’à la seule version arrangée, formatée, balisée, normalisée, orientée de ceux dont la parole porte. Et qui disposent de moyens puissants pour draper le mensonge en parole d’Evangile et le porter à la dévotion du monde entier. Ils défendent parfois leur race. Et trop souvent leur pays.
Ici, en Côte d’Ivoire, la guerre n’est pas encore finie que déjà une abondante littérature rend l’écheveau inextricable, aiguille sur des faux chemins et tente d’égarer la raison par une rhétorique savante. Déjà, des versions contradictoires se multiplient et foisonnent. Déjà la vérité vacille, et semble se diluer en poussière de souvenirs, atomisée par l’éclat des paroles qui mentent. Le mois de novembre de 2004 fut la crête. Déclarations officielles relayées par des médias décrétés de référence, mais à la vérité voix de leur maître ; interventions au sommet de l’Etat, de l’armée… La grande artillerie déployée pour noyer le témoignage de ceux qui savent parce qu’ils étaient des acteurs, et qui ont donc ont vu, vécu et entendu, a connu quelques accrocs, mais de ce côté, la messe n’est pas encore dite. La guerre contre la mémoire des survivants est une course de fond. Que restera-t-il demain aux futures générations et aux chercheurs quand ils voudront reconstituer les événements d’aujourd’hui, renouer les fils et connaître la vérité ? Ce que disent les puissants, qui ont les moyens de faire mentir l’histoire, ou la version des victimes ? Peut-être que demain, la vérité aura disparu. Le crime sera alors parfait. Et le génocide de la mémoire, aussi.

Auteur: ZIO Moussa


© Copyright Fraternite-Matin
Revenir en haut Aller en bas
 
Génocide de la Mémoire
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Récits du génocide: Traversée de la Mémoire
» Universités de la Mémoire
» Parfum de mémoire
» Les langages de la mémoire
» Rwanda pour Mémoire

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
en suspens :: DOCUMENTATION (Articles de presse, émissions radio, télévision, films, liens web....).-
Sauter vers: