Le financier du génocide

Le procureur du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) qui peut se féliciter d’avoir arrêté 72 personnes à ce jour n’a cependant pas encore réussi, à deux ans de la fin du mandat de cette juridiction de l’Onu, à mettre la main sur celui qu’il considère comme « le financier du génocide», l'homme d’affaires Félicien Kabuga.

Selon l’acte d’accusation, c’est Kabuga qui aurait acheté les milliers de machettes qui, pendant le génocide de 1994, taillaient hommes, femmes et enfants tutsis en morceaux.

Ni le Sud- africain Richard Goldstone, ni la Canadienne Louise Arbour, ni la Suissesse Carla del Ponte, ni le Gambien Hassan Bubacar Jallow, aucun des procureurs qui se sont succédé au TPIR à ce jour n’a pu pêcher ce « gros poisson ».

Ils n’ont réussi qu’à faire bloquer ses comptes notamment en France, en Suisse et en Belgique.

Le TPIR espère-t-il l’arrêter avant fin 2008, date prévue pour la clôture des procès en première instance ? « Pas de commentaire de la part du bureau du procureur », répond lapidairement, Alex Obote-Odora, assistant du procureur Jallow.

En juillet 1997, Kabuga avait échappé à l’opération « Naki » dans la capitale kenyane, Nairobi. Selon un rapport de l'International Crisis Group (ICG) de juin 2001, « les enquêteurs (du TPIR) ont trouvé une note manuscrite expliquant qu'un officier de la police kenyane avait averti Kabuga de quitter les lieux ».

En 2002, les Etats-Unis étendent leur programme « Rewards for justice » aux principaux suspects de participation au génocide de 1994 au Rwanda : le gouvernement américain offre une récompense allant jusqu'à 5 millions de dollars pour toute information susceptible de faire arrêter Kabuga.

Un guet-apens est ainsi monté contre l’homme d’affaires en janvier 2003 à Nairobi par le FBI, en collaboration avec la police kenyane. Mais une fois encore, la mèche a été éventée et Kabuga glisse entre les doigts de ses limiers.

Depuis lors, l’homme aurait quitté le Kenya ne s’y sentant plus protégé après le départ du président Daniel Arap Moï. Il aurait pu rejoindre la République démocratique du Congo (RDC) dont certaines régions sont encore incontrôlées.

Il se déplacerait souvent dans plusieurs pays africains, achetant la protection des grands et mettant à contribution ses nombreuses relations personnelles sur le continent. Au Rwanda, ses biens, un temps confisqués, ont été remis à sa fille qui est revenue dans son pays.

Parti de rien avant de devenir le plus riche homme d’affaires rwandais en son temps, Félicien Kabuga est né en 1935 dans la commune de Mukarange, préfecture de Byumba (nord).

Parent par alliance du président du Juvénal Habyarimana, il était membre du parti présidentiel, le Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement (MRND), président du Comité d'initiative de la Radio Télévision Libre des Milles Collines (RTLM), « la voix du génocide », selon Human Rights.

Pendant le génocide de 1994, il a participé à la création du Fonds de défense nationale et en a été président.

En juillet 1994, il se réfugie en Suisse dont il sera expulsé un mois plus tard dans des conditions très particulières qui ont fait scandale. Il avait rejoint alors l’ex- Zaïre avant de s’établir à Nairobi.

L’état d’avancement de la traque de Kabuga est certainement un des points dont le procureur Jallow rendra compte aux Nations unies le mois prochain, à l’occasion de la présentation du rapport du TPIR. Cette partie du rapport ne sera cependant pas rendu publique.