Ateliers internationaux au 10ème Afrika Filmfestival Leuven 2005
Afrika Filmfestival Leuven, le 15 juin 2005, publié le 15/07/2005
Ce 30 mai 2005 se tenait l’atelier sur la production audiovisuelle au Rwanda.
Plusieurs films, réalisés entre autres par des Rwandais, étaient programmés. Lors de la table ronde, il est apparu, à la surprise de certains, que le Rwanda, comme la grande majorité des pays d’Afrique, possède une télévision nationale. Télévision qui produit non seulement des programmes d’information, des débats politiques et autres, mais aussi des clips, des spots publicitaires ainsi que des captations d’événements culturels et religieux, etc.
Le Rwanda, compte un très petit nombre de maisons de production privées : elles sont actuellement au nombre de trois :
1. KEMIT, qui non seulement produit des films, mais forme aussi des jeunes à la réalisation, au montage et à l’écriture de scénarii. Kemit est une association sans but lucratif qui travaille à la construction d’un regard personnel sur la réalité et à la transmission de son message au moyen de l’outil audiovisuel. Cela se justifie par le fait que l’histoire du cinéma au Rwanda reste balbutiante. Quelques timides tentatives ça et là ne suffisent pas à créer une véritable dynamique de production, seule capable d’installer dans la durée une véritable création cinématographique nationale. Cette association est consciente que les jeunes talents, en dépit de leur inébranlable volonté de créer et de produire, manquent d’espace d’expression et de cadre de formation. Or, les arts et plus particulièrement ceux du spectacle, sont l’expression de la culture des peuples. Il est fondamental - surtout dans le contexte du Rwanda post-génocide, de faire émerger des talents maîtrisant les outils techniques et artistiques leur permettant de faire partager au monde leurs visions du monde d’hier, d’aujourd’hui et pourquoi pas une projection de celui de demain. Kemit, qui existe depuis 4 ans déjà, répond à la nécessité de mettre sur pied un cadre de travail qui offre la possibilité à ceux qui le souhaitent, de se former sur place, tout en ayant accès à un outil de production professionnel, moderne et répondant aux normes internationales.
C’est dans cet espace que sont nés les films " Isugi ", une fiction de 25 minutes et " Goretti ", un documentaire de 15 minutes.. Dans une interview, la scénariste Melle Diane Girimbabazi explique que la production est destinée à la population rwandaise, qui est majoritairement analphabète, et qu’avec le son et l’image du cinéma, elle est ses collaborateurs veulent conscientiser et éduquer. Pour elle, il est clair qu’il faudrait plus de soutien aux artistes. "Leur rôle est primordial" dit-elle..
Kemit dispose d’une salle de formation qui peut accueillir 15 à 20 personnes et les informations sont structurées en modules et peuvent être adaptées à la demande. Jusqu’en 2005, plus de 125 personnes ont déjà bénéficié d’un stage de formation au sein de Kemit dans différents domaines.
Avec quatre autres étudiants de l’École de journalisme de l’Université du Rwanda, Diane Girimbabazi, a déjà créé en 2004 le " Cinema For Development " (CFD,) avec pour objectif de former, informer et divertir la population avec le cinéma. Grâce à l’École de Journalisme qui accepte de mettre son matériel à la disposition des étudiants, le CFD essaie de produire ses propres films en commençant par les films éducatifs. Le CFD cherche des soutiens.
2. Kabera production (LinkMedia :
www.linkmedia.co.rw)3. Albert Brion production
Une nouvelle télévision privée devrait également débuter dès la fin de 2005. Mais les co-productions de télévision nationale avec le secteur privé ne sont malheureusement que trop rares. Depuis cette année, un festival de cinéma prend place à Kigali, celui-ci est organisé par le producteur privé, Eric Kabera (Rwanda), dont le documentaire " Les Gardiens de la Mémoire " a été projeté (52 min, 2004) à Louvain, tout comme ceux d’Anne Aghion (France) :"Gacaca, vivre ensemble au Rwanda"(2002) et "Au Rwanda on dit" (2004) qui traitent tous deux des dix années qui ont suivi le génocide. Ces films ont reçu un appui important des instances internationales.
Des histoires ne sont pas toujours l’Histoire !
Carole Karemera (comédienne rwandaise vivant en Belgique) porte à notre attention que trop régulièrement, les instances internationales qui financent la production audiovisuelle dans son pays ne s’intéressent malheureusement qu’aux productions dont les thèmes principaux sont : réconciliation et paix, gacaca, droits de l’homme, etc. Ce qui influence directement, inconsciemment ou non les choix de sujets d’un réalisateur, puisqu’il sait que si son projet cadre avec cette volonté, il est plus ou moins certain d’obtenir les fonds nécessaires à la réalisation de son oeuvre, c’est en quelque sorte une forme de dictat, une atteinte à la liberté d’expression dans une oeuvre de création. En fait, avec cette politique de financement quelque peu dirigée, on contribue à la falsification de l’image du Rwanda à l’extérieur.
Mais il existe un autre Rwanda que celui du génocide et d’autres histoires de la vie quotidienne, traditionnelle, contemporaine rwandaise, qui méritent d’être mises sur pellicule, d’être racontées en images. Et ce désir-là est présent chez les jeunes apprentis réalisateurs rwandais. Ces deux dernières années, de grosses productions internationales : "Sometimes in April" de Raoul Peck et "Shooting dogs" de Michaël Caton-Jones se sont tournées au Rwanda, révélant ainsi qu' il y a dans ce pays des moyens humains, techniques et logistiques minimums, mais surtout qu’il existe de nombreux jeunes qui s’intéressent au septième art et qui, au cours de ces différents tournages, ont acquis une expérience, qu’ils souhaiteraient aujourd’hui enrichir, mais il n’existe pas de véritables structures qu’ils leur permettront de réaliser leur rêve, d’en faire leur métier.
Cet atelier a été clôturé par la présentation du film "Sometimes in April" (2005) devant une salle comble et en présence du réalisateur Raoul Peck et Carole Karemera.
Conclusion de la rencontre avec des protagonistes du monde audiovisuel au Rwanda :
Organiser une rencontre avec les maisons de production, la télévision nationale et la télévision privée (dont le lancement est prévu à la fin de l’année), des représentants du gouvernement rwandais et éventuellement des responsables du Fonds Sud, de la Commission Européenne, et autres instances subventionnant le cinéma d’Afrique.
Reconnaiître le secteur audiovisuel !
Amener le gouvernement rwandais et la communauté internationale (dans le cadre de la coopération au développement) à reconnaître que l’audiovisuel est un secteur important à développer au même titre que l’éducation, l’infrastructure, etc.
Organiser des ateliers de formation et de rencontres avec des acteurs reconnus dans le domaine du cinéma (réalisation, montage, écriture, son) de la région des Grands-Lacs, mais également d’Europe.
Encourager les productions locales en créant et développant un espace de diffusion et de promotion plus large, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays