Artisanat

Rentable, l'artisanat attire de plus en plus d'hommes


(Syfia Grands Lacs/Rwanda) Longtemps négligé et laissé aux femmes, l’artisanat, devenu un secteur économique rentable soutenu par le gouvernement, attire aujourd'hui les hommes. Reste à améliorer la qualité des produits pour gagner de nouveaux marchés.

"Je suis très content d'avoir gagné ce 2 ème prix (15 000 Frw - 30 $) pour mon sac à main. Je ne m’y attendais vraiment pas car ça fait seulement six mois que je suis dans l’artisanat. C’est un encouragement pour moi…", confie, souriant, M. Ndayisenga, participant à la Journée de l’artisanat, organisée le 12 juillet dernier à Nyamagabe, dans le sud du Rwanda par la Coopérative de production d’artisanat d’art le Flambeau (COPAF). Depuis septembre 2006, elle rassemble plus de 160 artisans : 130 femmes et 30 hommes, pour la plupart nouveaux adhérents attirés par les intéressants revenus que procure l’artisanat.
Longtemps négligé et considéré comme l’apanage des femmes, l'artisanat attire de plus en plus d'hommes surtout depuis qu'il est soutenu par les autorités comme un secteur économique important pour le développement du pays. L'amélioration de la qualité des produits permettrait même d'ouvrir de nouveaux marchés.
Les produits artisanaux rwandais, utilitaires ou décoratifs, sont très diversifiés. Les plus connus sont les uduseke, petits paniers décorés aux couvercles pointus, mais il y a aussi des grands paniers, plats, fauteuils, porte-documents, chapeaux, sacs à main, tableaux d’affichage, étagères, classeurs, tables, dessous-de-plat, poubelles, etc. Les fabriquer est plus rentable que cultiver, d’autant plus que la matière première (herbes des marais, bambous, écorces de bananiers, sisal…) est généralement locale et bon marché. "Ces dessous de plat, je les fabrique en herbes des marais et un ensemble de cinq se vend 6000 Frw (12 $), explique Agnès Mukabaziga, artisane de Buremera dans le Sud. En un mois, je peux facilement en fabriquer quatre. Grâce à eux, d’ai déjà acheté deux vaches. Je paye ceux qui travaillent dans mes champs et mes enfants trouvent le minerval".

3 200 artisans à former à Kigali
Les hommes, qui ont bien compris que tresser des paniers pouvait rapporter gros, n'hésitent plus à s'y lancer. "Au début, j’avais un peu honte de venir apprendre cette vannerie avec les femmes. C’était la toute première fois, mais j’ai persévéré malgré les moqueries de certains de mes amis. Maintenant je maîtrise presque la technique et mon échantillon a été coté le premier ; je viens de le vendre à 5500 Frws (10 $) ", raconte, très fier, Bucyana J. Népo, à la sortie d’une formation sur la fabrication du petit panier décoré, qu'il vient de suivre.
Les autorités du Rwanda encouragent l’artisanat considéré comme une des priorités nationales, car il permet de lutter contre la pauvreté. Ainsi, le 20 juin dernier, le président du Sénat a visité l’association Imirasire, du district de Bugesera à l'Est, qui se spécialise dans la vannerie et lui a promis un appui financier. Cinq jours avant, Jeannette Kagame, l'épouse du chef de l'État, accompagnée du directeur des investissements au ministère du Commerce, avait inauguré la fabrication du petit panier décoré à Kigali. Cent cinquante personnes, hommes et femmes, viennent d’y être formées. Dans les années à venir, elles en formeront à leur tour 3 200 autres. Ces hautes autorités ont promis d'aider les artisans à trouver des marchés extérieurs.
Les autorités locales les soutiennent aussi. "Nous encourageons les associations d’artisans, explique J. Damascène Hakizimana, agronome du secteur de Gasaka dans le Sud. C’est bon que les hommes s’y mettent aujourd’hui plus que jamais. Nous allons les aider en faisant planter le sisal partout le long des routes par les travaux communautaires. Ainsi, ils pourront facilement trouver la matière première."

Qualité insuffisante, marché incertain
"Même si les revenus s’avèrent de plus en plus intéressants, nos artisans ont un niveau encore bas. La qualité de nos produits n’est pas encore satisfaisante vu les exigences du marché surtout extérieur", estime cependant Muhire Alfred, président de la COPAF. La finesse n'est pas toujours au rendez-vous, estime Louise Gérard Umugiraneza, chargée du marketing à Rwanda Arts, l'union des coopératives des artisans. Mais les nécessaires formations techniques durent longtemps et coûtent cher, ce qui décourage souvent les apprentis. "Je fais la vannerie depuis plus de 20 ans. Ca m’a pris bien des années pour maîtriser la technique et arriver à des paniers très fins", témoigne Jeanne Uwimana, devenue formatrice.
Les produits de qualité, eux, se vendent vite et bien. Ainsi, une équipe du secteur de Gasaka vient de vendre 50 paniers à 7000 Frw pièce à un commerçant du Burkina Faso qui en avait apprécié la qualité. La quantité mais surtout la qualité déterminent le revenu d’un artisan, estime Adeline Nikuze, vendeuse au comptoir de la COPABU (Coopérative des produits artisanaux de Butare). Les produits mal faits peuvent passer des mois et des mois au comptoir sans être vendus. "Le revenu mensuel d'un artisan va de 30 000 (60 $) à 70 000 Frw (140 $) et même plus, confie-t-elle. Mais Cette coopérative compte actuellement environ 400 membres. Parmi eux, plus de 150 hommes dont 60 % ont adhéré cette année). Elle a des clients tant au Rwanda qu'à l'étranger (Italie, Allemagne, Canada...).