(Syfia Grands Lacs/Rwanda) Au Rwanda, où les autorités encouragent le mariage civil, la polygamie est désormais rigoureusement traquée. Les hommes doivent choisir une de leurs épouses. Celles qui sont délaissées, et leurs enfants, sont marginalisés.
"Oui, je le veux !" Au Rwanda, l'homme polygame qui se marie, est dorénavant sommé de choisir sa favorite, celle avec laquelle il s’unit devant la loi. En avril dernier, les maires de districts se sont engagés devant le président de la République à marier civilement la quasi-totalité des foyers de leur ressort. Outre de donner un statut officiel à ces unions, l'objectif est aussi de valoriser le mariage monogamique, seule union officiellement reconnue par la constitution.
Ces dernières semaines, en ville comme à la campagne, les couples s'unissent en masse. Dans le district de Ngororero, province de l’Ouest, en 5 mois, plus de 900 ont prêté serment. "La mesure vise à éradiquer la polygamie et ses inhérents conflits basés sur les biens et les propriétés qui en résultent. Un vrai casse-tête pour les dirigeants et les magistrats !", explique Cyprien Nsengimana, maire de Ngororero.
Femmes pénalisées
En vertu du strict respect de la loi, toute femme qui épouse traditionnellement un homme déjà marié, est désormais accusée de "violation du domicile conjugal". "Les femmes qui vivent avec leurs maris depuis longtemps, avec ou sans enfants, sont indirectement touchées par l’obligation de légaliser le mariage", commente, sous anonymat, ce secrétaire exécutif de secteur. Celles qui choisissent malgré tout cette forme d'union sont traquées et chassées du foyer.
"L'autorité n'impose pas à l’homme de se marier devant la loi avec sa première femme. Le choix du mariage est individuel", précise Boniface Rucagu, gouverneur de la province du Nord.
Des aménagements à sens unique pour Auréa Kayiganwa, coordinatrice de l’Association des veuves du génocide (AVEGA). Selon elle, "la loi ne devrait pas favoriser l’homme en lui donnant le libre choix de sa favorite, mais plutôt le lier à sa première femme."
La mesure est cependant saluée par les femmes de foyer monogame. "Maintenant que l’autorité veille au bien-être familial, on peut espérer fonder un foyer qui dure", se félicite Kangabe de Ngororero. Mais, pour celles qui veulent avant tout se marier, cette loi opprime les femmes en voulant les aider. "Seules celles qui ont déjà leurs maris en bénéficient", constate Monique de Nyamirambo, ville de Kigali.
En effet, pour le moment, seule est punie la femme qui a tenté de se joindre au mari d'une autre. Quant aux enfants, nombre d’entre eux ne seront reconnus par leur père qu’après les décisions des tribunaux. Les hommes sont donc gagnants sur tous les tableaux, sauf quand ils désertent leurs familles pour s’unir à des femmes libres ou veuves. Ils sont alors sanctionnés par une amende légère... "Il faut préconiser les sanctions sévères aussi aux hommes qui s’unissent à plusieurs femmes, au lieu de pénaliser seulement les femmes", s'indigne madame Kayiganwa.
Premiers résultats
Malgré ces critiques et ces réserves, en l'espace de quelques mois seulement, les autorités semblent sur le point de gagner leur pari. Bon nombre d'orphelines ou de veuves du génocide qui hier encore recherchaient à tout prix un homme même déjà marié pour les consoler, les protéger et assumer avec elles la charge de leurs foyers, commencent à renoncer. "Mieux vaut coiffer la sainte Catherine qu’être chassée manu militari de son foyer", se résigne M.J, 26 ans, couverte de honte d’avoir été répudiée par les autorités locales malgré l’insistance de son mari qui voulait la garder.
Pour la femme rwandaise, "une femme n’est complète que quand elle a un mari", estime Anastasie, 58 ans, qui supporte seule l’éducation de ses cinq enfants jamais reconnus par leurs pères. Chez les hommes aussi, en particulier les veufs et les séparés qui avaient pris l'habitude d'avoir plusieurs femmes, les mentalités évoluent. "Depuis six mois, dans le district de Ngororero, aucun homme vivant avec une femme n’a osé en prendre une nouvelle", affirme le vice maire chargé des affaires économiques. Même la province du Nord où la polygamie a longtemps été en vogue, adhère progressivement à cette mesure
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Lun 13 Nov - 12:41