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 Intervention de S. FArnel le 8/4 à Paris

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ibukafrance
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ibukafrance


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Intervention de S. FArnel le 8/4 à Paris Empty
MessageSujet: Intervention de S. FArnel le 8/4 à Paris   Intervention de S. FArnel le 8/4 à Paris Icon_minitimeSam 13 Mai - 6:48

Vaincre le négationnisme
Serge Farnel


Serge Farnel est journaliste pour Metula News Agency (www.menapress.com). Voici son intervention en date du 8
avril 2006 chez Médecins du Monde, à l’occasion de la 12e commémoration du génocide des Tutsis du Rwanda.

« Vaincre le négationnisme » ! N’est-ce pas là un titre ambigu lorsqu’il est censé définir
l’intervention d’un journaliste. « Vaincre » ! Est-il bien convenable ce verbe, lorsque prononcé
par celui-là même qui est censé commenter l’actualité de façon impartiale, avec le recul
nécessaire, et qui, pour ce faire, ne saurait, sans prendre le risque de se compromettre
déontologiquement, avoir pour ambition de « vaincre » quoi que ce soit, ni d’ailleurs de choisir
son camp parmi ceux qui ont pris place sur le terrain d’une actualité ?

Réponse éthique : le négationnisme s'inscrit dans une logique consistant à jeter volontairement letrouble sur la réalité. À ce titre, toute personne qui déclare la guerre au négationnisme ne saurait,
en aucune façon, être taxée de partisane. Vaincre le négationnisme est la condition sine qua non à
l'exercice du débat public. C'est donc un préalable au débat d'idées, non pas une opinion.

Cependant, dans son travail, le journaliste doit savoir tracer les limites de l’impartialité lorsqu’il
s’agit de protéger le système au sein duquel il évolue. La condition de l’impartialité, qui s’impose
aux journalistes, n’inclut pas l’immunité pour les ennemis de la liberté.

Le député anglais Benjamin Disraeli affirmait, il y a longtemps déjà, vouloir se battre pour que
son adversaire puisse s’exprimer quand bien même il aurait des opinions différentes des siennes.
Certes, mais à condition qu’il s’agisse d’une opinion et non de la négation d’un crime
factuellement démontré.

Doit-on ignorer les négationnistes ?

Quand le négationnisme est l’oeuvre d’une personne isolée, non soutenue par les médias, peu
influente, on pourrait se dire que le plus raisonnable, pour ne pas lui faire de la publicité, est de ne
pas en parler.

C’est ce que préconise notamment mon confrère Patrick de St-Exupéry, dans le Figaro du 7
décembre dernier, lorsqu’il écrit, après avoir donné quelques exemples du racisme de Pierre
Péan : « Que dire alors ? Se taire, juste se taire. Le laisser, seul, assumer ses propos. »

Probablement a-t-il raison.

Et on peut se poser la question : s’intéresser à un négationniste, n’est-ce pas, en effet, lui offrir la
possibilité inespérée d’apparaître comme un acteur au sein du débat d’opinion ?

Accorder aux négationnistes une place autour des tables rondes et autres débats, n’est-ce pas
donner l’illusion aux auditeurs que la négation d’un fait qu’ils colportent constitue une opinion et
que cette opinion enrichit le débat ?

Faut-il vraiment proposer des tribunes à des André Guichaoua, Claudine Vidal, Rony Brauman et autres Philippe Reynjtens ?

Fallait-il nécessairement que Guillaume Durand reçoive Pierre Péan sur le plateau de Campus
afin de faire connaître à des millions de spectateurs son « opinion », consistant à affirmer que
Paul Kagamé est « un Führer (...) devenu directeur de Yad Vachem, le musée de la Shoah », ou à
jouer avec des expressions comme « l’an prochain à Kigali » pour, vous l’aurez compris, faire le
rapprochement avec « l’an prochain à Jérusalem » qu’ont dit des Juifs soumis à un pogrom
continuel dans leur exil aux quatre coins du monde ? Ou peut-être Guillaume Durand a-t-il
considéré qu’il y avait quelque chose à creuser dans l’idée selon laquelle il existerait un « lobby
tutsi » qui aurait su diriger ses « très belles femmes » vers « les lits appropriés » ?

Le négationnisme au coeur du pouvoir

Pour parler spécifiquement du génocide des Tutsis au Rwanda, et du fait que je m’exprime à
Paris, il me faut définir l’expression pernicieuse d’un négationnisme particulier, celui qui émane
d’un régime politique, d’un pouvoir. Lorsque le négationnisme émane du pouvoir, celui-ci
s’appuie sur un certain nombre de medias et de pseudo-intellectuels dans le but de véhiculer sa
thèse négationniste.

Dans une telle situation de négationnisme officiel ou semi-officiel – comme c’est le cas en France
–, ignorer la thèse négationniste participe à permettre son emprise sur l’opinion. Lorsqu’on a
reconnu le fait que ce négationnisme était orchestré ou du moins provenait des milieux du
pouvoir, le choix n’est plus permis. Se taire constituerait pour un intellectuel authentique un
blanc-seing donné aux criminels, à leurs amis et à leurs alliés, aux fins de réécrire l’histoire.

Ce n’est assurément pas l’option que j’ai choisie ni celle de l’agence de presse Metula News
Agency qui publie mes articles.

Il me faut donc parler de Stephen Smith, lequel a évoqué le rapport Bruguière dans les colonnes
du Monde quand il a expliqué à ses lecteurs que ce rapport accusait Kagamé d’avoir fomenté
l’attentat du 6 avril. Pourquoi priverai-je mes propres lecteurs de cette information ? Oui mais
quelle information ? Que Kagamé a fomenté l’attentat ? C’est lui qui le dit. Moi je n’ai pas eu le
rapport entre les mains. Encore faut-il ne pas tomber dans tous les pièges et se mettre à
commenter son interprétation d’un rapport qu’il aurait été le seul journaliste à avoir le privilège
de lire.

Lorsque la thèse du négationnisme est celle soutenue activement pas le pouvoir et ses séides, il
n’est pas étonnant que des documents fassent le voyage du cabinet, en principe hermétique d’un
juge d’instruction, à un quotidien de grande diffusion, pour être utilisé dans une démarche
éminemment propagandiste.

C’est là que le combat contre le négationnisme du génocide des Tutsis rejoint le combat des
démocrates français : un pouvoir qui entend réécrire l’histoire pour échapper à ses responsabilités
et qui n’hésite pas, pour ce faire, à corrompre son propre pouvoir judiciaire, est un pouvoir
devenu dangereux pour les citoyens du pays qu’il régit. Rien de moins !

Les pressions exercées par le pouvoir exécutif sur la juge d’instruction Brigitte Raynaud
procèdent d’un autre exemple de l’empiètement inacceptable de l’exécutif sur le système
judiciaire.

Brigitte Raynaud, juge d’instruction au Tribunal aux Armées de Paris, s’apprêtait à prendre
l’avion pour Kigali et recueillir les dépositions des plaignants contre l’armée française. Fin
octobre 2005, la directrice des affaires juridiques du ministère de la défense lui écrivit et l’alerta
des « risques » qu’elle était susceptible d’encourir à l’occasion d’un tel déplacement : « nous nedisposons pas dans cet État des moyens militaires de protection que nous avons pu vous assurer
en Côte d'Ivoire ».

Une note blanche était jointe à ce courrier, « des services de renseignement » relevant de la
défense lui faisant savoir que son déplacement au cours du mois de novembre « pourrait s'avérer
inopportun du fait de l'actualité médiatique et judiciaire. » Le pouvoir exécutif débordait
sérieusement de ses prérogatives Inopportun est le genre d’expression que ceux qui sont attachés
à leur carrière savent très bien décrypter. Lorsqu’on arrive à ce stade d’ingérence d’un pouvoir enprincipe soumis à celui qu’il menace, c’est la démocratie et au-delà d’elle l’État qui est en danger.
Et je pèse mes mots !

La note reçue par le juge Raynaud faisait valoir qu'un tel déplacement risquait de « radicaliser la
position des autorités rwandaises » eu égard aux ouvrages très critiques à leur encontre. Or la
Grande Muette ne venait-elle pas là de parler trop ? Les bouquins en question n’étaient pas encore
sur les étals des libraires. De là à penser qu’il s’agissait de commande … À chacun son
interprétation. Intrication du pouvoir dans les medias avec Smith, dans la justice avec l’armée,
dans l’édition avec Péan. Au journaliste de décoder tout cela.

L’actuel ambassadeur de France au Rwanda, Dominique Decherf, accepta finalement de donner
sa garantie personnelle, face au manque de fondement des menaces alléguées.

C’était plutôt le tapis rouge que les autorités rwandaises risquaient de déployer sous les pas de la
juge d'instruction. Car pour que d'éventuelles « menaces » émanant des autorités rwandaises
fussent crédibles, il eût fallu que Brigitte Raynaud vînt au Rwanda recueillir des témoignages
relatifs non pas à l'implication de militaires français dans le génocide, mais bien à celle du Front
Patriotique Rwandais ! Pourquoi les autorités rwandaises prendraient-elles ombrage de ce que
l'on vienne au Rwanda recueillir des témoignages impliquant des militaires français dans le
génocide, quand cela va précisément dans le sens des objectifs fixés par la commission rwandaise
?

Nous ne sommes pas à une incohérence près depuis que dure le pathétique feuilleton
négationniste sur la scène française.

Bruguière conclut

Un des « ouvrages très critiques » dont fait état le document des services secrets, est celui
d’Abdul Ruzibiza (Rwanda – L'histoire secrète), dont la note confirme qu’il s’agit du « principal
témoin dans l'enquête menée par le juge Bruguière ». Bruguière qui a laissé en liberté celui qui est
venu dans ses bureaux lui raconter en détails comment il a participé à l’attentat du 6 avril. Le
principal témoin du juge Bruguière, qui passe aux aveux et que le juge laisse filer.

Qu’à cela ne tienne. La même note nous informe que le juge Bruguière est sur le point de
conclure son instruction ! Tout comme il y a déjà plus de vingt mois sous la plume de Stephen
Smith dans le Monde. Le juge antiterroriste est donc sur le point de boucler son enquête … une
deuxième fois !

Sauf qu’à force de dire n’importe quoi, c’est un procureur de la république qui a, ces derniers
jours, obtenu de Libération un droit de réponse en première page suite à un article de mon
confrère Christophe Ayad qui l’accusait d’enterrer le rapport que lui avait soi-disant remis
Bruguière !

La dictature de l’égalité

Revenons sur les limites de la liberté d’expression. La loi Gayssot n’impose-t-elle pas des limites
à cette expression ? Oui, et c’est bien. Mais ce n’est pas encore le cas en ce qui concerne le
génocide des Tutsis. Car encore faut-il le reconnaître avant d’envisager de promulguer une loi
contre sa négation. Mais je suis optimiste. On est déjà passé d’une tragédie à un génocide.
Première étape ! Puis d’un génocide à un « génocide des Tutsis ». Certains, il est vrai, ont encore
du mal à le concevoir. C’est le cas notamment du Nouvel Observateur qui, dans son dernier
papier, bégaie lamentablement entre « génocide rwandais », « génocide » tout court, ou encore
« projet génocidaire ». Quand il ne dénonce pas la communauté internationale qui ne s’est « guère
interposée entre les Tutsis et les Hutus ». Le quotidien en est encore au conflit interethnique. Il
faut dire que son rédacteur en chef, Sara Daniel, a décidément du mal à coller à la réalité. Elle qui
avait inventé des viols imaginaires de jeunes palestiniennes par des soldats israéliens peine à
accepter l’évidence des milliers de jeunes tutsies, souvent des enfants encore, violées par les
Interahamwe, les FAR et les soldats français.

Quand on ne peut plus dire qu’il n’y a pas eu génocide, on décrète maintenant qu'il s'agit d'un
« génocide non planifié ». Comme dans le dernier article de Stéphanie Maupas du Monde, qui
affirme que « La mort du président rwandais a libéré "l'énergie des extrémistes hutus" ». On
aurait donc libéré l'énergie des génocidaires, et des centaines de milliers de machettes auraient
poussé au bout de leurs bras comme par enchantement ?

Pourquoi est-il impératif de vaincre le négationnisme ?

Le monde ne doit pas être réinitialisé à chaque génération, ou alors ne parlons pas d'Humanité, ce
concept qui transcende l'Homme et ce par quoi nous nous survivons. Ne faisons pas d'enfants si
nous leur préparons un monde sur les starting-blocks d'un prochain génocide !

C’est tout simplement pour cela qu’il est de notre devoir de journaliste, d’historien et
d’intellectuel – de banquiers de la conscience humaine en quelque sorte – de protéger les
générations futures de tout risque de génocide.

C’est avec effroi que l’on a appris, bien après la révélation du génocide, que l’État français
persistait à entraîner des rescapés des FAR en République Démocratique du Congo, avec comme
seul objectif la reconquête du Rwanda par les auteurs mêmes du génocide.

Cette oeuvre démente est la négation de l’humanité dont je viens de parler, l’abaissement d’unÉtat démocratique européen vers le niveau le plus bas qu’il puisse atteindre. C’est la négation de son histoire, de ses acquis et de ses traditions. C’est la réouverture de Drancy, la reconstruction
du vélodrome d’Hiver. C’est la France, mon pays, encore incapable d’un travail de conscience
indispensable pour tourner la page de la milice, de la collaboration et de la réécriture de l’Histoire
qui a suivi la libération du territoire national par les forces alliées démocratiques.

« On ne peut pas tout à la fois vouloir changer et espérer rester le même », a écrit mon rédacteur
en chef Stéphane Juffa. Le pouvoir français demeure hanté par des démons tenaces au premier
rang desquels sa faiblesse chronique a embrassé des causes et des dynamiques anti-humaines, se
situant à l’opposé de tous les enseignements que lui a apportés la civilisation et dont la France
elle-même a largement collaboré à définir les fondements. Le pendant de cette force est donc
notre faiblesse. Celle de faire des bêtises, de n’être pas capable de les reconnaître ni de les réparer
convenablement. Dreyfus, la collaboration, les ouvriers algériens jetés dans la Seine en 1961, la
participation à l’ethnocide des Tutsis et maintenant les efforts des mêmes héritiers de
l’inconcevable à nier jusqu’à la perpétration de ce génocide.

Ça suffit.

Serge Farnel
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