Comment raconter un génocide ?
Le grand reporter français Jean Hatzfeld a consacré plusieurs livres au génocide rwandais, qui a fait 800 000 morts en 1994. Interrogé par Colette Braeckman, il avance que l'écriture romanesque, plus que l'écriture journalistique, lui a permis "d'approcher la réalité du génocide. (...) Un journaliste, c'est d'abord un intermédiaire : quelqu'un qui fait le lien entre ceux qui vivent des événements et ses lecteurs, qui essaie de répondre au mieux aux questions que ses lecteurs peuvent se poser. Face à un génocide, il s'écoule toujours un laps de temps pendant lequel les lecteurs ne veulent rien entendre, qu'il s'agisse de la Shoah, du génocide arménien ou du Rwanda, car l'événement est trop inouï, trop exceptionnel. Le journaliste est alors désemparé (?). Dans la littérature, au lieu de se poser la question des autres, comme le ferait un journaliste, on se pose ses propres questions. En fait, on écrit pour soi avant tout, ce n'est plus la même démarche."
Le Soir (Belgique)